La liste des espèces menacées
C’est le 11 décembre 2023, à l’occasion de la COP28, que l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a mis à jour sa liste rouge des espèces menacées. Régulièrement actualisé, cet inventaire vise à établir un bilan objectif du degré de
menace pesant sur la biodiversité mondiale. L’occasion de mettre en lumière les effets
positifs de programmes actifs de conservation, mais aussi d’alerter sur les effets
dévastateurs du changement climatique sur la biodiversité mondiale.
La « Liste Rouge » compte désormais 157 190 espèces, dont 44 016 sont menacées
d’extinction.
Créée en 1964, la Liste rouge de l’UICN des espèces menacées™ constitue aujourd’hui la
source de données la plus complète au monde sur le risque d’extinction global.
Bien plus qu’une simple liste, c’est un outil plus que jamais essentiel pour informer et guider
les politiques de conservation.
Ainsi, pour chaque espèce de l’inventaire, l’UICN publie aussi des informations sur la taille
de la population, sa répartition, l’habitat et l’écologie, l’utilisation et/ou le commerce, les
menaces qui pèsent sur elle, et donne des indications pour guider les actions de
conservation nécessaires. Aujourd’hui, la liste rouge répertorie 157 190 espèces mais l’UICN
espère atteindre les 160 000. En effet, un plus grand nombre d’espèces dans l’inventaire
signifie plus d’espèces suivies, fournissant un aperçu plus représentatif de l’état de la
biodiversité mondiale.
Chaque espèce inventoriée est classée selon le niveau de menace qui pèse sur elle, allant
de « Préoccupation mineure », à « éteinte » dans le pire des cas. Le terme « espèce
menacée » fait quant à lui référence aux espèces d’une des trois catégories : « en danger
critique », « en danger » et « vulnérable ».
Pour effectuer ce classement, les experts de l’UICN se fient à plusieurs critères comme la
taille de la population, sa fragmentation, son taux de déclin ou son aire de répartition.
Aujourd’hui, 44 016 espèces animales, végétales ou champignons sont dites « menacées ».
Parmi elles : 41% des amphibiens, 12% des oiseaux et 26% des mammifères sont menacés
d’extinction au niveau mondial. C’est également le cas pour 37% des requins et raies, 36%
des coraux constructeurs de récifs et 34% des conifères.
La France figure parmi les 10 pays hébergeant le plus grand nombre d’espèces menacées :
au total, 2 268 espèces menacées au niveau mondial sont présentes sur son territoire, en
métropole et en outre-mer.
En France métropolitaine, 14% des mammifères, 24% des reptiles, 23% des amphibiens et
32% des oiseaux nicheurs sont menacés de disparition du territoire. Tout comme 19% des
poissons d’eau douce et 28% des crustacés d’eau douce. Pour la flore, 15% des espèces
d’orchidées sont menacées.
En outre-mer, plus d’un tiers des espèces d’oiseaux de La Réunion sont menacées ou ont
déjà disparu. Parmi la faune menacée de l’île, figurent aussi 14% des papillons de jour et
33% des poissons d’eau douce. En Guyane, 13% des oiseaux et des poissons sont
menacés et 16% des mammifères marins. En Martinique, ce sont par exemple 47% des
reptiles, 28% des mollusques et 21% des oiseaux qui sont menacés. Pour la flore, les
menaces de disparition concernent 15% des fougères et des plantes à fleurs de
Guadeloupe, 30% à La Réunion et 43% à Mayotte.
Même si le phénomène d’extinction d’une espèce est, dans une certaine mesure, un
phénomène naturel, la responsabilité de l’Homme dans l’extinction de masse à laquelle nous assistons depuis quelques décennies est établie. A la fois par ses actions directes (chasse
ou pêche non durable, surexploitation, destruction des milieux de vie, pollution,…) mais
aussi par les effets du changement climatique.
«Cette mise à jour […] met en évidence les liens étroits entre les crises du climat et de la
biodiversité, qui doivent être abordées conjointement», soutient la directrice générale de
l’organisation intergouvernementale, Grethel Aguilar.
L’UICN met en avant le cas des poissons d’eau douce, dont 25% sont menacés d’extinction –
parmi eux, 17% subiraient directement les ravages du changement climatique : baisse de
débit des cours d’eau, l’élévation du niveau de la mer entraînant la remontée d’eau salée
dans les fleuves et les changements liés aux saisons.
Parmi les modifications apportées, de nombreuses espèces voient leur statut se dégrader ;
ainsi le saumon atlantique, auparavant sous «préoccupation mineure», est aujourd’hui
«quasi menacé». Sa population a en effet chuté de 23% entre 2006 et 2020, sous l’effet
cumulé des activités humaines (pêche non durable, barrages, pollution) et du réchauffement
climatique (baisse du débit des cours d’eau, sédimentation, faible disponibilité alimentaire).
Les tortues vertes (Chelonia mydas) du Pacifique Centre Sud et du Pacifique Est sont
désormais respectivement classées « En danger d’extinction » et « Vulnérables ». Les
menaces sont là aussi nombreuses et en grande partie liées au changement climatique
(baisse du nombre d’éclosion, élévation du niveau de la mer qui menace d’inonder les nids,
destruction des sources d’alimentation, modification des courants marins). Des captures
(accidentelles ou non) par la pêche sont également une menace sérieuse pour la survie de
l‘espèce.
Le rapport de l’UICN de 2022 pointait déjà le grand nombre de menaces affectant les
espèces marines, comme la pêche illégale et non durable, la pollution, les changements
climatiques et les maladies. Ainsi les populations de dugongs, de grands mammifères marins
herbivores, et 44% de tous les ormeaux rejoignent les espèces menacées d’extinction sur la
Liste rouge de l’UICN, et le statut du Corail de pilaires s’est détérioré à « En danger
critique » en raison de pressions accumulées (baisse de 80% de sa population depuis 1990).
Sur le plan végétal, l’UICN pointe le cas préoccupant de l’Acajou, dont le bois est très
demandé pour la fabrication de meubles, instruments de musique ou éléments décoratifs.
Son statut est passé de « Vulnérable » à « En danger », alors que sa population a chuté de
60% en 180 ans. Parmi les plus grandes menaces, son exploitation non durable,
l’empiètement des zones agricoles et urbain sur la forêt tropicale où il pousse et le
changement climatique qui modifie son aire de répartition.
L’espèce est aujourd’hui protégée mais l’exploitation forestière et le commerce illégaux se
poursuivent en raison de cette forte demande.
Le constat est accablant, mais devrait servir comme alerte supplémentaire et appeler à des
efforts croissants de la part de la communauté internationale. Rappelons que l’objectif de
cette liste, in fine, est d’alerter pour mieux guider les politiques de conservation.
L’UICN indique d’ailleurs qu’à l’échelle mondiale, 80% des fonds alloués aux espèces sont
destinés à des plantes et des animaux inscrits comme menacées à la Liste rouge.
Et à l’occasion de cette mise à jour, l’organisation point également quelques bonnes
nouvelles, résultat de démarches proactives de conservation.
– Le Rorqual commun a ainsi vu le doublement de sa population depuis 1970, son
statut passant de « En danger » (avant) à « Vulnérable » (maintenant) à l’échelle
mondiale, grâce à une limitation stricte de sa pêche par des traités internationaux.
– Le Bison d’Europe, qui n’existait quasiment plus qu’en captivité a vu sa population
sauvage passer d’une petite centaine d’individus à 2500 individus sur les 40
dernières années (source : UICN). Aujourd’hui encore menacé par la fragmentation
de ses territoires, des efforts de restauration des forêts primaires et le déplacement
des populations vers des milieux plus favorables produisent des résultats
encourageants.
– Saïga (Saiga tatarica), antilope présente au Kazakhstan, en Mongolie, en Russie et
en Ouzbékistan. Son statut est passé d’ « En danger critique » (avant) à « Quasi
menacé » (maintenant). Au Kazakhstan, sa population a augmenté de 1 100% entre
2015 et 2022 pour atteindre 1,3 million en mai 2022. Surtout menacée par le
braconnage et les épidémies (la proximité avec le bétail est un facteur de
transmission de maladies, aggravé par l’augmentation de la température et de
l’humidité). Son statut s’améliore aujourd’hui grâce à des mesures actives de de lutte
contre le braconnage et le commerce illégal.
– Oryx algazelle (Oryx dammah) ; victime d’un braconnage massif et de sécheresses
plus intenses, l’espèce est déclarée comme «éteinte à l’état sauvage » en 1990 avant
d’être réintroduit au Tchad. Même si une population stable est établie aujourd’hui
dans une réserve, le changement climatique et le braconnage restent des menaces
sérieuses pour sa pérennité.
Ces exemples prouvent que si l’activité humaine est responsable de l’érosion massive de la
biodiversité, des actions en faveur de sa préservation peuvent conduire à des améliorations.
Pour que ces succès soient durables, l’UICN appelle à plus d’efforts et de coopération au
niveau local, national et international et alerte sur les effets dévastateurs, déjà mesurables,
du changement climatique.
Si nous ne limitons pas le réchauffement à 1,5 °C [la Terre s’est déjà réchauffée de 1,2 °C
depuis l’époque préindustrielle, ndlr], le changement climatique deviendra sûrement la
principale cause de perte de biodiversité au cours des prochaines décennies», avertit WWF.