Protection animale
« Décathlon, à fond la forme ! », mais dans le fond ?

« Décathlon, à fond la forme ! », mais dans le fond ?

Parmi les grandes enseignes multisports, Décathlon poursuit depuis 1976 les visions de son créateur Michel Leclercq en « innovant pour rendre le sport accessible avec un esprit avant-gardiste » mais aussi avec ses grands principes tels « Traite ton client comme s’il était ton meilleur ami.  » [1] Pourtant, depuis quelques années, Décathlon se trouve au cœur d’une polémique avec ses « meilleurs amis ». En cause : la vente d’animaux vivants comme appâts de pêche au vif, pratique jugée cruelle par l’opinion publique et certains pêcheurs eux-mêmes.

La pêche au vif : qu’est-ce que c’est ?

Parmi les techniques de pêche, il existe la pêche au vif. Cette technique consiste à empaler, par la bouche, le dos ou le flanc, un être vivant – souvent un poisson – au bout d’un hameçon afin de capturer un carnassier. Certes simple et « efficace », ce style de pêche est dénoncé par les scientifiques, les associations de protection animale et même par certains pêcheurs.

En l’absence de mimique faciale et de cris audibles par l’être humain, le mal être des poissons est difficile à percevoir, pourtant, de nombreuses études attestent de leur sensibilité à la souffrance. En 1968 déjà, JJ Beukema [JJ. Beukema « Angling experiments with carp » Netherlands journal of zoology] témoigne et publie au journal de zoologie Néerlandais qu’une carpe blessée par un hameçon s’en souvient encore un an plus tard et l’évite.

Une étude menée par la commission fédérale d’éthique pour la biotechnologie dans le domaine non humain[2] démontre également que, bien que le cerveau des poissons diffère de celui d’autres vertébrés, les poissons ont de nombreuses structures comparables avec des fonctions similaires et que la perception de la douleur est possible par différentes voies physiques et biologiques. En 2003, Lynne U. Sneddon a pu démontrer avec évidence que les nerfs sensitifs des poissons perçoivent la douleur [Lynne U. Sneddon, Roslin institute « The evidence for pain in Fish : the use of morphine as an Analgesic » Applied Animal Behaviour Science, 83(2), 153-162.] en procédant à l’injection d’une substance douloureuse ou bien d’un placebo dans la lèvre de truites. Par rapport au groupe placebo, les truites ayant reçu la substance douloureuse sont plus agitées, se désintéressent de la nourriture, compressent parfois leur lèvre contre la vitre de l’aquarium. Si, par contre, on administre de la morphine aux truites, on n’observe plus de différence entre les deux groupes.

En plus de pouvoir ressentir la douleur, le poisson est aussi un animal sensible au stress, comme l’indique Allison Gandar dans sa thèse à ce sujet [Allison Gandar, thèse soutenue le 10-12-2015 « Réponse aux stress multiples chez les poissons : effets croisés de la température et des cocktails de pesticide » en page 27. Ecole doctorale Science de l’univers, de l’environnement et de l’espace (Toulouse)], il est ainsi démontré que « Les pressions exercées par les congénères (compétitions, relations de dominance), la prédation, le parasitisme ou encore des manipulations expérimentales sont considérées comme des stress biologiques ».

Qu’en est-il concrètement pour les poissons utilisés comme appâts ?

Ces poissons ont pour destinée d’être stockés en aquarium, puis vendus, passés en caisse, transportés dans des sachets, manipulés (ce qui implique le temps de l’opération également suffocation, écrasement des organes et atteinte à la muqueuse externe), crochetés à un ou deux hameçons à travers la bouche, le flanc ou le dos, voire même transpercés au moyen d’une aiguille en acier, remis ou lancés à l’eau en étant blessés et stressés puis maintenus à la vue des prédateurs et sans la possibilité de pouvoir aller se réfugier jusqu’à se faire avaler… Il est manifeste que le principe de bientraitance n’est pas appliqué.

Et cela même alors qu’en tant que vertébrés, les poissons relèvent du champ d’application de la loi sur la protection des animaux.

D’un point de vue juridique, il existe donc aujourd’hui, en principe, une égalité fondamentale des poissons et des autres vertébrés.

La pratique de la pêche au vif n’est de ce fait plus conforme avec le droit et le respect dû à l’animal réglementés à travers différents codes [Les atteintes volontaires à la vie d’un animal sont réprimées par l’article Art.R 655-1 du code pénal 17 : « le fait, sans nécessité, publiquement ou non, de donner volontairement la mort à un animal domestique ou apprivoisé ou tenu en captivité est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe » L’article L214-1 du code rural et de la pêche maritime reconnait l’animal comme un être sensible qui doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce et la réforme du code civil du 16 février 2015 apporte également une cohérence juridique entre les codes] et c’est pour cette raison que les les clients et les associations de protection des animaux montent au créneau.

Désormais avertis, c’est fort d’arguments éthologiques et scientifiques que les clients de Décathlon témoignent de la préoccupation grandissante de l’opinion publique, en lançant de nombreuses pétitions en ligne pour demander l’arrêt de cette commercialisation. [3]

Bien que certains magasins se remémorent les principes établis par leur fondateur et choisissent ainsi l’esprit « avant-gardiste » [Cf référence 1 : engagements de Décathlon /   Michel Leclercq] et l’éthique en retirant les poissons en vente au profit de leurres comme le magasin de Foix en Ariège par exemple [4]

Le groupe choque toujours en proposant cette fois ci des petits crabes verts en barquette [5] à utiliser comme appâts vivants pour la pêche en mer.

Interrogés par BFM Toulon Var [6], certains clients n’ont de nouveau pas caché leur désapprobation concernant cette pratique. « Cela me choque un peu. On sacrifie pour la pêche des crabes », confie Christian. « C’est un animal vivant. Pour la pêche, je ne vois pas pourquoi il faudrait prendre des crabes alors qu’existent des vers ou d’autres appâts », renchérit Gérard. « Je suis pêcheur, on peut trouver les crabes en bord de mer directement. Je ne vois pas pourquoi on vend des crabes dans un aquarium », conclut Steve.

Tout comme nos connaissances sur la sensibilité et les besoins des animaux, les mentalités évoluent. La remise en question de la pêche au vif est désormais même relayée en politique au niveau national [7], et sa pratique est d’autant plus contestée du fait de l’existence de méthodes alternatives (utilisation de leurre ou du mort manié).

Certains magasins de l’enseigne ont déjà renoncé à la vente de poissons vivants. Décathlon, les valeurs du sport sont si belles, incluez-y également le respect à toutes vies ! Le GRAAL suit de près ce dossier, soutient la transition de l’enseigne et se porte volontaire pour l’accompagner dans ses projets de reconversion. Pour nous contacter, rendez-vous ici !

Toute l’équipe du GRAAL remercie chaleureusement Pauline Allier pour la rédaction de cet article !